Matériaux durables, produits d’entretien écologiques, papiers recyclés, aliments bio, énergie verte,… Les achats durables envahissent notre quotidien, tant dans la sphère privée que professionnelle. La commande publique n’échappe pas à cette conscientisation et les pouvoirs adjudicateurs sont plus que jamais invités à concevoir leurs achats dans une perspective durable et, pour ce faire, à prendre en considération des aspects environnementaux, sociaux et éthiques.
Cette tendance s’est encore renforcée depuis l’entrée en vigueur de la “nouvelle” réglementation de 2017.
La volonté est d’aller au-delà de l’aspect économique, et de lui adjoindre d’autres préoccupations, en vue de muer les achats publics en outils propres à œuvrer en faveur des grands défis sociétaux actuels.
Pour ce faire, deux niveaux peuvent se superposer.
Un premier niveau de contrôle est systématique. Il est contraignant tant pour les pouvoirs adjudicateurs, qui se doivent de procéder à plusieurs vérifications de rigueur, que pour les opérateurs économiques qui doivent, quant à eux, rentrer dans les clous.
C’est ainsi que, depuis le 30 juin 2017, les opérateurs économiques sont, entre autres, tenus de respecter et de faire respecter par toute personne agissant en qualité de sous-traitant à quelque stade que ce soit et par toute personne mettant du personnel à disposition pour l’exécution du marché, toutes les obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail établies par le droit de l’Union européenne, le droit national, les conventions collectives ou par les dispositions internationales.
Selon les cas et la gravité, la violation de l’une de ces branches du droit pourra ou devra entraîner l’exclusion d’un soumissionnaire au stade de la passation, mais également, si la défaillance se produit ou est détectée en cours d’exécution, la mise en œuvre de mesures d’office, pouvant aller jusqu’à la résiliation du marché.
Les motifs d’exclusion, qui doivent être vérifiés par le pouvoir adjudicateur pour tous marchés supérieurs à 30 000 euros, sont un moyen de contrôle parmi d’autres.
Concrètement, dès l’accès au marché, un opérateur économique se verra refuser le droit d’entrée, sous réserve de la mise en œuvre de mesures correctrices, si une cause d’exclusion devait être rencontrée. Parmi celles-ci, relevons l’hypothèse d’une condamnation pour travail des enfants et autres formes de traite des êtres humains.
Si ce type de condamnations extrêmement grave peut vous paraître bien éloigné de votre réalité (ce que nous vous souhaitons), sachez qu’aucune faute n’est à négliger et que tout manquement aux obligations en matière de droit environnemental, social ou du travail pourra lui aussi entraîner une exclusion.
Citons pour exemples, le non-respect d’un permis d’environnement, une contravention aux règles en matière de gestion, transport et tri des déchets ou encore, la violation des règles de sécurité des travailleurs ainsi que le recours à du travail au noir[1].
En complément des mécanismes obligatoires de vérifications prévus par la législation, une seconde couche peut-être prévue par le pouvoir adjudicateur qui peut faire le choix d’insérer, en différents endroits des documents du marché, des clauses environnementales, sociales et éthiques lesquelles peuvent donc potentiellement concerner tous les stades de la procédure.
Ces clauses doivent toujours être en lien avec l’objet du marché.
Au stade de la sélection, on pourra prévoir des exigences au niveau technique. Par exemple, pour un marché de transport, exiger l’utilisation de véhicules électriques. L’opérateur économique devra, dans ce cas, prouver qu’il dispose des véhicules correspondants et en nombre suffisant.
Pour des marchés de fournitures, une indication de la chaîne d’approvisionnement dans le respect des conventions OIT (Organisation internationale du Travail) pourrait être requise.
Du point de vue des exigences minimales, pour élaborer ses spécifications techniques, le pouvoir adjudicateur préférera très souvent faire référence à une norme ou un label, gage de qualité, d’éthique ou encore de respect des règles environnementales.
Sachez que ces références ne peuvent aboutir à limiter la concurrence. Vous ne disposez pas de la norme ou du label renseigné, mais vous pouvez prouver que vous parvenez à un niveau de qualité équivalent? Le pouvoir adjudicateur est tenu, dans ce cas, de prendre votre offre en considération.
En ce qui concerne les critères d’attribution, les caractéristiques sociales, environnementales pourront être prises en compte pour l’évaluation des offres. Mais on pourra rencontrer des marchés qui pousseront la démarche plus loin et privilégieront une évaluation basée sur le coût du cycle de vie – méthode qui peut prendre en considération les coûts liés à la recherche, au développement, à la maintenance, au recyclage, mais également les externalités environnementales…
Et les clauses sociales?
Si les clauses éthiques et environnementales sont aisément compréhensibles, les clauses sociales paraissent plus difficiles à appréhender.
Par ailleurs, elles sont sans doute celles qui demanderont le plus d’investissements de la part des parties concernées.
Axées sur le bien-être de la collectivité, elles ont notamment pour vocation de promouvoir l’intégration professionnelle, de favoriser la formation, de lutter contre les discriminations ou encore, d’encourager l’accessibilité des moins valides aux infrastructures.
Bien qu’on les retrouve dans les marchés de services et, dans une moindre mesure, dans les marchés de fournitures, les marchés de travaux sont les principaux concernés par ces clauses.
En pratique, pour la passation, l’on pourra donc notamment rencontrer des marchés dits “réservés” à savoir, des marchés auxquels seules des entreprises d’économie sociale d’insertions peuvent avoir accès.
Au stade de l’exécution, citons l’exemple des clauses sociales de formation.
Dans ce cas, l’opérateur économique qui emporte le marché pourrait avoir l’obligation d’engager un stagiaire pour un nombre d’heures déterminé, de l’encadrer pour lui permettre de s’insérer dans une équipe de travail, de mettre en pratique des compétences acquises à la suite d’un enseignement de formation et d’acquérir de nouvelles compétences, tant techniques que professionnelles[2].
Loin d’être exhaustif, cet article dresse un aperçu des outils applicables aux marchés durables. Contraignants a priori, il est important de les envisager avant tout comme un moyen de lutter contre le dumping social et de mettre en œuvre les piliers du développement durable. Ce qui est, en soi, extrêmement positif pour les PME qui ont toutes les qualités et potentialités pour prendre part à cette mouvance!